Comportement politique

Introduction

Comportement politique conventionnel et non-conventionnel

On n’étudie pas seulement le comportement et l’action politiques mais les attitudes, croyances et opinions politiques.

Conventionnel
  • Participation politique, choix électoral.
  • Questions fondamentales:
    • Qui vote?
    • Comment (pour quel parti)?
    • Pourquoi
    • Ces questions s’appliquent aux élections et aux votations.
Non-conventionnel
  • Action collective.
  • Politique contestataire.
  • Nouveaux mouvements sociaux.
    • Pacifistes, écologistes, etc.
Exemples

Trois grands modèles d’explication du vote

École socio-culturelle (modèle de Columbia; Lazarsfeld 1944)

“Une personne pense, politiquement, comme elle est socialement. Les caractéristiques sociales déterminent les préférences politiques”.

  • Déterminants principaux du vote = statut socio-économique, religion, lieu de résidence.
  • Forte prédisposition du vote, en fonction des caractéristiques du groupe auquel un individu appartient (mais mesuré au niveau individuel).
  • Individus savent bien avant l’élection pour qui ils vont voter.
  • Campagne électorale n’a qu’un rôle limité.

École psycho-sociologique (modèle de Michigan; Campbell 1960)

Ils ont étudié l’élection présidentielle et ont creé un modèle d’explication électoral centré sur l’individu en tal que tel et pas comme membre d’un groupe:

  • Accent sur les attitudes politiques, en particulier l’identification partisane qu’on obtient dans l’enfance et détermine leur choix partisan quand celle ci se renforce au long de leur vies.
  • C’est un attachement affectif, psychologique qui fonctionne comme raccourci cognitif.
  • Le déterminant principal du vote est donc la loyauté à un parti, le vote n’est qu’une expression de cette loyauté.
  • Comme le modèle de Columbia, on met un accent sur la stabilité des préférences partisanes.

École du choix rationnel (école de Rochester; Downs 1957)

  • Changement de perspective important, on postule que le vote est le résultat d’un processus de prise de décision au niveau individuel. On ne presuppose pas un choix électoral dicté par la classe social ou une préférence partisane. Les électeurs vont choisir le parti qui va maximiser leur utilité, dans un analyse coût-bénéfice.
  • Déterminant du vote = calcul d’utilité (vote instrumental ou utilitariste); homo politicus=homo economicus; arène électorale=marché.
  • Exemple: modèles spatiaux du vote: l’individu vote pour le parti/candidat le plus proche du point de vue idéologique (dimension gauche-droite) ou sur un enjeu politique spécifique.
  • Ce modèle assume que les individus sont capables de situer leur idées et de comprendre où se situent les différents partis.

Lacunes des modèles classiques

Le pouvoir explicatif de ces modèles est en déclin pendant beaucoup de temps.

Facteurs explicatifs lourds (psychologiques ou psycho-sociologiques)
  • Changements dans la structure sociale (mobilité sociale et géographique, tertiarisation de l’économie):
    • Déclin des loyautés traditionnelles (classe, religion, identification partisane), en parallèle à l’affaiblissement des clivages classiques.
  • Augmentation du niveau d’éducation:
    • Électorat plus indépendant, plus volatile.
  • Montée en puissance des médias audio-visuels (télévision), puis électroniques (internet, réseaux sociaux); professionnalisation du marketing politique.
    • Plus de poids des campagnes électorales.
    • Affaiblissement des facteurs de long terme comme la classe sociale et renforcement des facteurs de court terme.
Conception simpliste (homogène) de l’électorat (demande politique)
  • Citoyens se différencient les uns des autres en termes de motivation (intérêt pour la politique) et de capacités cognitives (compétence politique).
  • Intérêt degré d’attention à la campagne.
  • Compétence capacité à capter les messages, à les digérer et à les utiliser.
  • Intérêt et compétence jouent un rôle clé dans les processus de formation des opinions.
Focalisation excessive sur les électeurs et insuffisante prise en compte du contexte et de l’offre politique
  • Les opinions individuelles ne se forment pas dans un vide politique, mais dans un contexte institutionnel et politique bien précis.
  • Le contexte influence aussi la formation des opinions et le vote.
  • L’offre politique (partis, candidats, campagne électorale) importante autant que la demande (caractéristiques et préférences des votants).

Recherche électorale: développements récents

On ne donnait pas beaucoup de valeur à ces découvertes en comparation avec les modèles classiques, mais ceci commence à changer:

  • Prise en compte des facteurs de court terme.
    • Ex: préférences des votants en matière d’enjeux politiques ou de sympathie pour les candidats ou les leaders politiques.
  • Prise en compte du contexte:
    • Contexte institutionnel (ex: système électoral).
    • Offre électorale (caractéristiques du système de partis).
    • Campagne électorale, communication politique, médias.
  • Prise en compte de l’hétérogénéité de l’électorat:
    • Variations dans les processus de formation des opinions en fonction de la motivation et de la compétence politique des votants.
  • Innovations méthodologiques
    • Prise en compte de l’effet conjoint des facteurs individuels et des facteurs contextuels (modèles hiérarchiques plusieurs niveaux d’explication du vote).
    • Méthodes expérimentales, plus efficaces pour identifier/mesurer les liens de causalité.

Exemple 1: explication du vote UDC

Apports des modèles classiques

Il y a eu une transformation du clivage de classe:

  • Traditionnellement les classes populaires votaient à gauche (Parti socialiste).
  • Processus de réalignement: transfert de voix des classes populaires de la gauche vers l’UDC. L’UDC a presque doublé le support perçu parmis ces classes, comme dans le reste de la Suisse en faite. Il y a un grand écart dans l’électorat dans le parti socialiste. Quelle section de celui-ci doit il privilégier? Pour l’UDC il n’y a pas cet écart si grand.
Conclusion

Le clivage de classe s’est transformé, mais il continue d’influencer le comportement électoral:

  • Les spécialistes socio-culturels (classe moyenne salariée dans le social, la santé, l’éducation, la culture et les médias) sont devenus le bastion de la gauche.
  • Les classes populaires et l’ancienne classe moyenne (artisans, commerçants, agriculteurs) sont devenus le bastion de l’UDC.

Ceci nous ramène au clivage de Kriesi entre les gagnants et les perdants de la globalisation:

  • La peur de la concurrence étrangère, de perdre le projet culturel suisse, etc.
  • Du point de vue normatif, ce clivage s’exprime par un conflit sur la dimension ouverture-traditions (Brunner et Sciarini 2002) ou intégration-démarcation (Bornschier 2007).
Exemple: le vote d’enjeu

Idées de base:

  • Les facteurs de long terme (socio-structurels ou psycho- sociologiques) ont perdu du poids au profit des facteurs de court terme, tels que le “vote d’enjeu”.
  • L’électeur/trice va voter pour le parti le plus proche de lui/elle sur les enjeux importants:
    • Modèle de proximité, dérivé du choix rationnel.
  • Ou l’électeur/trice va voter pour le parti qui “possède” l’enjeu jugé le plus important, càd le parti qui est réputé le plus actif et/ou le plus compétent sur cet enjeu → “vote selon la possession de l’enjeu” (issue ownership voting, Petrocik 1996).
  • Selon le second modèle, les partis qui possèdent les enjeux les plus importants en tirent profit électoralement.

Dans le cas de l’UDC en Suisse, un exemple: l’enjeu migratoire. Selon un enquête le problème le plus important aujourd’hui en Suisse est: Dans la campagne de 2015 il y a eu une forte thématisation de l’enjeu migratoire par l’UDC (monopole) du au printemps arabe: C’est un enjeu migratoire exploité électoralement. Selon les modèles d’explication du vote la probabilité de voter pour l’UDC augmente significativement si on considère l’UDC comme le parti le plus compétent pour résoudre les problèmes migratoires.

Ces partis populistes anti-étrangers (et/ou anti-UE) ont progressé un peut partout en Europe: Ceci est aussi arrivé aux USA en 2016 puis 2024.

Polarisation politique

C’est le processus par lequel les opinions politiques deviennent de plus en plus extrêmes et opposés.

Mesure

C’est la distance entre les partis, exemple en termes idéologiques dans l’échelle gauche-droite, et l’unité interne des partis en la matière. Les partis hétérogènes sont moins polarisants.

Polarisation idéologique versus polarisation affective

La polarisation n’est pas toujours mauvaise, une petite quantité est utile et offre aux électeurs des vrais choix. Mais si elle devient excessive (fragmentations, conflits, etc) ou elle se double d’une polarisation affective (mé/défiance, hostilité/rejet des adversaires politiques negative party identification) elle devient un problème.

Facteurs de polarisation

La montée des partis populistes (discours anti-élite, immigration, globalisation/européanisation, identité nationale) est une de ses causes. Mais les réseaux sociaux (filter bubbles, selective exposure/echo chambers, confirmation bias) le sont aussi.

Exemple 2: Le vote pour les Verts

L’enjeu environmental prends l’avantage en 2019. Et quel parti possède l’environnement?: Au sein de l’électorat de gauche, le vote pour les Verts (plutôt que pour le PS ou un autre parti) augmente significativement si on considère les Verts comme le parti le plus compétent pour résoudre les problèmes environnementaux:

  • Cet effet vaut en début de campagne électorale et se renforce encore au cours de celle-ci (effet dynamique) (Petitpas et Sciarini 2022).

Concurrence PS > Vert.e.s

En mesurant la probabilité de vote au niveau individuel l’enquête Select (Swiss election studies) pose la question: Quelles chances y a-t-il que vous votiez un jour pour le parti X? (échelle de 0 à 10).

  • Faiblesses: Cette méthode ne prends pas en compte le fait que les personnes hésitent lors des élections. En plus c’est pas très exact pour les petit partis au contraire des grands, si on a que 10 votants d’un petit parti dans l’enquête on ne peut pas l’étudier correctement.

Cette question fut posée pour les 7 principaux partis (tout le monde évalue tout les partis même les petits alors la faiblesse est compensée). Un tiers des électeurs ont probabilité identique de voter PS ou Vert.e.s et un tiers ont probabilité très similaire (une à deux points de différence).

  • PS et Vert.e.s se partagent quasiment le même électorat: plutôt féminin, jeune, urbain, athée, éduqué, nouvelle classe moyenne (spécialistes socio-culturels profession de l’état providence comme la santé, l’éducation, etc.), de gauche, europhile, solidaire, écolo.
  • Généralement, les votants de gauche finissent par voter pour le PS plutôt que pour les Vert.e.s (concurrence asymétrique); il y a eu un rééquilibrage en 2019 (lien avec le graphique des enjeux et l’environment) mais qui bascule à nouveau en 2023. En gros le PS bénéficiait/bénéfice pas mal.
Transferts de voix d’une élection à l’autre

Le succès des Vert.e.s se fait au détriment du PS et viceversa, c’est le sort de la gauche suisse.

Ouverture comparative

Dans les élections européennes les partis verts ont progressé dans plusieurs pays européens en 2019 mais ont reculé en 2024. Les avis changent à cause du covid, le pouvoir d’achat, la migration, etc; l’environment passe à un deuxième plan.

Exemple 3: âge, sexe et participation politique

Il y a eu un déclin considerable dans la participation, moins du 50% vote. En Genève, pour les dernières élections, le taux sera environ 35-45% au maximum.

  • Perte d’intérêt pour la politique.
  • Perte du sens du devoir civique avec les générations successives.
  • Les femmes votent moins que les hommes (en 1971 elles commencent à voter).
  • On baisse l’âge de vote (20 à 18).
  • Individualisme croissant.
  • Complexification des thèmes? Où plutôt population qui est/se sent moins compétente?
  • Fin du vote obligatoire dans plusieurs cantons sauf dans Schaffhausen (canton avec le plus de bulletins blancs).

Dans les années 70 le taux ce stabilise et commence à augmenter un tout petit peu jusqu’à 2023. Les votations sont pour les gents plus importantes mais plus fréquentes alors on fait la moyenne sur 4 ans, la différence dans le taux de participation entre une votation et l’autre ainsi comme la fréquence de celles ci (manquer une n’est pas si grave) expliquent la différence élections/votation dans le graphique.

On est un pays à faible participation, si on regarde chaque votation individuelle. Cependant: On peut observer que plus de 60% des genevois a voté entre 1 fois et 9 fois sur 10. Les abstentionnistes chroniques représentent une petite partie de la population. Depuis cette perspective on n’est pas un pays a si petite participation. SI on participe soi-disant peu c’est puisqu’on vote beaucoup.

C’est mauvais?

L’abstentionnisme chronique réduit la légitimité du régime pour quelques uns. Mais une baisse n’est pas mauvais, peut-être ça veut juste dire que les gens préfèrent ne pas participer à voter n’importe quoi s’ils n’ont pas le temps ou que le pays est bien géré.

C’est un problème si juste certains groupes ne s’expriment pas donc ils sont sous-représentés. Il y aurait donc une inégalité de participation (genre, âge, éducation, revenu, etc). En Suisse les personnes votent moins quand elles sont moins éduquées. En ce qui respecte le sexe et l’âge: Dans le cas du sexe, il y a un écart entre les sexes qui apparaît avec l’âge et un écart entre les groupes de différent âge. Les jeunes et les femmes âgées votent moins.

Effet de l’âge

Les trois effets de l’âge:

  • Effet du cycle de vie / vieillissement biologique:
    • L’âge affecte la participation via l’intégration sociale et l’expérience politique → participation augmente avec l’âge (carrière professionnelle, mariage/enfants), avant de chuter dans le grand âge (isolement, santé).
  • Effet de cohorte (ou générationnel):
    • Evénements qui touchent tous les individus d’une même cohorte (ex: Mai 68) → participation est systématiquement plus/moins élevée pour une génération donnée (exemple: sens du devoir civique aurait reculé d’une génération à l’autre).
  • Effet de période:
    • Evénements affectant toutes les cohortes au même moment → participation augmente/diminue pour tout le monde (exemple: politisation en Suisse depuis les années 1990).
Effet du sexe
  • Facteurs socio-structurels (ressources):
    • Moindre intégration sociale et professionnelle des femmes.
  • Facteurs socio-culturels:
    • Persistance des modèles traditionnels du rôle des femmes.
  • Thèse révisionniste:
    • Effet de rattrapage ou de convergence: accroissement de l’intégration sociale et professionnelle des femmes; évolution des modèles du rôle des femmes.
    • Le fossé de genre (gender gap) en termes de participation politique a disparu.
  • Thèse pas valable pour femmes âgées en Suisse:
    • Facteur compositionnel: surreprésentation des femmes parmi personnes âgées veuves; or veuvage favorise l’abstention.
    • Facteur institutionnel: octroi tardif du droit de vote aux femmes.
    • Facteur socio-culturel: modèles traditionnels du rôle des femmes ont durablement affecté les femmes aujourd’hui les plus âgées. Ceci change dans les nouvelles générations, les jeunes femmes votent plus que les jeunes hommes.
Âge et sexe

Dans les élections fédérales 2019 les jeunes femmes sont plus mobilisées: Facteurs explicatifs?

  • Court terme: grève des femmes, grèves pour le climat. Il y a une discussion actuelle et importante sur le rôle des femmes.
  • Long terme: niveau d’éducation des femmes en hausse.

Exemple de question d’examen

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