Politique Suisse

Elections Fédérales 2023

Forces des partis au Conseil National (% des suffrages)

Après la WW2, la Suisse est réputée par sa stabilité, mais à partir des années 1990 les choses changent. Avant de faire sa montée en popularité l’UDC c’était juste un parti junior. Le parti vert a aussi connu un score historique en 2015.

L’évolution entre 2019 et 2023 est le miroir de celle de 2015 à 2019. Les partis reculent et avancent après. Le mode de scrutin est proportionnel. Aucun parti n’a franchi le seuil de 30% pendant des siècles, cependant l’UDC est aujourd’hui proche. Genève et le Tessin (avec sa Lega) ont deux partis de droite. Dans les autres cantons c’est juste l’UDC. On a un système triparti, avec plus ou moins la même force politique pour chaque camp.

Le système de gouvernement

La chambre du peuple avec 200 sièges (conseil national):

La chambre des cantons (conseil des états) avec 46 sièges, deux par canton sauf das le cas des demi-cantons:

On élit les conseillers fédéraux dans le conseil national où ils doivent prêter serment à la CH:

Ils travaillent dans un collège de 7 et se réunissent, ils sont l’exécutif:

Critères pour déterminer le régime

Comment est le gouvernement élu? Quel est le rapport parlement-exécutif? Quel est le degré de séparation des pouvoirs?

Deux types de régime
Système parlementaire
  • Election indirecte du gouvernement (par le parlement)
  • Pouvoir exécutif exercé collectivement (Premier/ère ministre et Conseil des ministres)
  • Contrôle mutuel entre gouvernement et parlement (l’un peut faire tomber l’autre, et réciproquement)
    • Force le gouvernement et le parlement à coopérer → fusion des pouvoirs législatifs et exécutifs. Exemple-type: Grande-Bretagne
Système présidentiel
  • Élection du/de la président-e par le peuple
  • Concentration des pouvoirs exécutifs dans les mains du président (Chef de l’État, du gouvernement, de la diplomatie et des forces armées)
  • Indépendance mutuelle entre président et parlement (l’un ne peut pas destituer l’autre, sauf en cas de procédure de type impeachment)
    • Séparation des pouvoirs législatif et exécutif (checks and balances) Exemple-type: Etats-Unis (élection du président par le peuple via le collège électoral grands électeurs)

Contexte institutionnel: système de gouvernement suisse

Notre système est un mix entre le présidentiel et le parlementaire, il est la partie la plus originale de la CH et ne ressemble en rien à celui des autres pays.

Cas hybride

On est proche du système parlementaire du point de vue du mode d’élection (élection indirecte du gouvernement par l’Assemblée fédérale). Le peuple n’élit pas l’exécutif. Cependant on se rapproche du présidentiel du point de vue des rapports gouvernement-parlement (indépendance mutuelle).

Cas particulier

Concordance: partage du pouvoir exécutif entre les principaux partis. Conseil fédéral en tant que collège, un système directorial qui assure le pouvoir égal des 7 membres et principe de collégialité. C’est la non-hiérarchisation. La collégialité assure que une fois une décision prise tout le conseil doit la défendre.

Conséquences

Election indirecte du gouvernement + concordance. Les citoyens ont peu d’impact, via les élections parlementaires, sur la composition du gouvernement.

Composition du CF

Les partis se mettent d’accord, la répartition des sièges ne dépend pas de la couleur du parlement.

L’idée est une concordance arithmétique, elle doit être en principe proportionnelle à la force politique des partis. Mais c’est aussi une idée politique, le comportement des partis.

La concordance

Cette concordance ou consensus est une règle non-écrite mais qui s’est imposée et prend plus d’importance que d’autres règles écrites. Elle a deux dimensions:

  • L’arithmétique: proportionnalité de sièges et force parlementaire.
  • Politique: la ligne de conduite et le niveau de consensus des partis. Ceci a des implications pour la composition du CF et ses règles de fonctionnement.

Arithmétique

Composition du Conseil fédéral selon la “règle” proportionnelle:

  • Nombre de sièges au Conseil fédéral en fonction du nombre de sièges au Parlement
  • Historiquement, cooptation progressive des quatre principaux partis.

Politique

Composition du Conseil fédéral sur la base de la capacité des partis à s’entendre et à gouverner ensemble:

  • Partis: respect du consensus et loyauté envers le gouvernement.
  • Conseillers fédéraux: respect de la collégialité.
  • La concordance politique n’est plus respectée (un parti gouvernemental s’oppose souvent au gouvernement PS et UDC souvent).

Question d’actualité: un siège au CF pour les verts?

  • Du point de vue de la concordance arithmétique:
    • Avec leur score de 2019, les Vert.e.s auraient mérité un siège au Conseil fédéral.
    • Entre 2019 et 2022, les Vert.e.s ont progressé dans presque toutes les élections parlementaires cantonales (voir article de presse Sciarini 10.10.22), mais ont fortement reculé au Conseil national en 2023.
  • Du point de vue de la concordance politique
    • L’élection d’un-e Vert.e augmenterait l’hétérogénéité du collège gouvernemental.
    • La concordance politique serait encore plus difficile à respecter.
  • Question-clé:
    • Dans ce scénario, quel parti devrait céder un siège? Le PLR? Le PS?
  • Autre question (après les élections de 2023).
    • Deuxième siège au Centre plutôt qu’au PLR?

Démocratie directe

La Suisse est très particulière, elle a une démocratie directe très développée.

  • Au 20ème siècle elle represente la moitié de tous les votes populaires au monde au niveau national. Autant de votes dans la CH que dans le monde entier.
  • Possibilité de s’exprimer sur des objets concrets; droit de codécision de peuple sur la définition des politiques. Ceci augmente la légitimité et acceptabilité des décisions. Le peuple peut contester tout.
  • Dans d’autres pays comme les USA la démocratie directe est développée au niveau des états fédérées.
  • En Suisse on vote de 3 à 4 dimanches par année sur des divers thèmes.

Trois grandes institutions

  • Initiative populaire (un comité propose une modification de la Constitution; 100’000 signatures; vote populaire à la double majorité du peuple et des cantons).
  • Référendum obligatoire (modification de la Constitution proposée par les autorités; vote populaire à la double majorité du peuple et des cantons).
  • Référendum facultatif (50’000 signatures; opposition à une loi ou un traité international voté par le parlement; vote à la majorité simple du peuple).

Contraste suisse

  • Dans les autres pays les elections sont l’unique occasion d’exprimer ses préférences politiques (à coté de la CH environ chaque 4 ans). En Suisse, la démocratie directe s’ajoute à la démocratie représentative; les votations concurrencent les élections.
  • Conséquences:
    • Multiplication des scrutins populaires → affecte (réduit) le taux de participation aux élections (on participe peu parce qu’on vote souvent; participation sélective on vote quand ça nous intéresse). Pour augmenter la participation on devrait peut-être modifier la quantité de votations.
    • Possibilité de corriger après coup une décision du parlement
      • Réduit le poids du parlement dans les processus législatifs (le parlement n’a pas le dernier mot).
      • Réduit l’importance des élections parlementaires.
  • La démocratie directe a fortement influencé le fonctionnement du système et le comportement des acteurs politiques.

Fédéralisme

Il y a plusieurs définitions:

C’est une division du pouvoir sur base territoriale, pour Riker: Le fédéralisme est une organisation politique dans laquelle les activités du gouvernement sont divisées entre les gouvernements régionaux et un gouvernement central, de sorte que chaque niveau de gouvernement décide sur ses activités.

  • C’est la difference entre état unitaire et fédéral, cette répartition est toujours présente soit aux USA ou à la CH.

C’est aussi une division du pouvoir sans rapport hiérarchiques, pour Elazar: Le fédéralisme implique une distribution fondamentale du pouvoir entre de multiples centres (…), pas la délégation de pouvoirs d’un centre unique, comme dans un système pyramidal.

  • En Suisse les cantons et la CH sont au même niveau.

Il y existe le fédéralisme territorial et le fédéralisme non-territorial:

  • Suisse: territorial cantons.
  • Belgique: fédéralisme territorial avec ses régions et non-territorial avec ses communautés linguistiques qui gèrent des compétences liées à la langue et culture.

Si les cantons sont si importants c’est parce que ce sont ceux qui mettent en oeuvre les lois fédérales. C’est pas juste parce qu’ils ont des compétences éducatives, etc.

Autres caractéristiques

  • Parlement bicaméral avec une deuxième Chambre forte:
    • Le Sénat aux USA. Il a beaucoup de pouvoir en proportion à l’autre chambre.
    • Le Conseil des États en Suisse. Les deux chambres ont les mêmes compétences.
  • Constitution écrite difficile à amender:
    • Aux Etats-Unis, majorité qualifiée de 2/3 dans chaque Chambre + ratification par 3/4 des États.
    • En Suisse, deux chambres du parlement + référendum obligatoire (avec double majorité du peuple et des cantons).
  • Cour suprême ou Cour constitutionnelle spéciale:
    • Habilitée à arbitrer les différends relatifs au partage des compétences entre l’Etat fédéral et les entités fédérées.
    • La Suisse fait exception: le Tribunal fédéral n’a pas cette prérogative. C’est probablement la seule institution fédérale qui n’a pas été adoptée, le tribunal fédéral est consultatif.
Degré de décentralisation dans 21 pays de 1945 à 2010

Répartition des dépenses publiques par fonction, moyenne pour 2018-2020 (en % du total des dépenses).

Résumé des dépenses

La Suisse a un fédéralisme coopératif, les 3 niveaux coopèrent. Par exemple pour financer l’éducation avec les écoles fédérales polytechniques.

Structure de l’État

Il y a une division territoriale du pouvoir avec 26 sous-systèmes politiques. Chaque canton possède son propre système politique et son propre système de partis. Chacun une constitution, un parlement, etc.

Parlement fédéral

Il y existe un bicaméralisme parfait (ou intégral):

  • Deux chambres qui ont les mêmes prérogatives.
  • Conseil national avec 200 sièges dont l’allocation est proportionnelle à la population des cantons.
  • Conseil des états avec 46 sièges: deux sièges pour chaque canton sauf les demi-cantons avec 1 sièges.
  • Ceci donne un poids considerable aux cantons petits comme les catholiques qui sont surreprésentés au parlement fédéral (Conseil des États). Même chose qu’en USA.

Conséquences/Influence

  • Ceci change les systèmes de partis:
    • Ils diffèrent d’un canton à l’autre; les petits partis qui sont forts localement sont représentés au Conseil National (MCG, Lega, PEV). Cependant on a une tendance à la nationalisation.
    • Ceci fragmente le système politique au niveau fédéral.
      • Les partis nationaux sont en réalité des fédérations de partis cantonaux.
      • Cette fédération réduit la cohérence interne des partis cantonaux, ceci les rend faibles.
      • Les partis sont nés dans les cantons et sont après nés au niveau national. Une construction du bas vers le haut.
      • Chaque canton a ses courants, ce qui différencie le même parti d’un canton à l’autre.
  • Les élections sont aussi influencées.
    • Les cantons servent de circonscriptions électorales. L’importance du contexte cantonal réduit un peu le caractère national des élections.
    • Dans le conseil national le nombre de sièges par canton influence la compétition électorale (nombre de candidats):

Mode de scrutin

Le mode de distribution des sièges entre les partis est aussi influencé par cette structure. C’est les règles qui traduisent les suffrages en sièges et comment on les distribue entre les partis:

  • Il y a deux grands types de système électoral:
    • Le majoritaire: le parti ou candidat ayant obtenu la majorité absolue ou le parti ou candidat ayant obtenu plus de voix que les autres emporte l’élection.
    • Proportionnel: les sièges sont attribués proportionnellement au vote ce qui représente plus fidèlement les votes des electeurs.
Loi de Duverger

Selon cette loi il y a une relation entre le système electoral et le système de partis:

  • Le proportionnel favorise le multipartisme et le majoritaire les grands partis, voire le bipartisme.

Il y a un effet mécanique et un effet psychologique comme résultat du système majoritaire:

  • Effet mécanique: conversion des voix en sièges qui débouches dans des grands partis surreprésentés et des petits partis sous-représentés. Les voix exprimées pour les petits partis sont perdues.
  • Ceci découle dans un effet psychologique: les anticipations de l’effet mécanique de la part des votants. Les petits partis renoncent à se présenter et s’ils se présentent les votants vont renoncer à voter pour eux et perdre leur vote.

Ceci n’est pas absolue c’est une loi soi-disant. Elle a été critiquée de nombreuses fois mais son idée générale reste vraie et très pertinente.

Autres facteurs

Le degré de proportionnalité dans un système proportionnel varie selon le quorum:

  • Quorum légal: seuil minimal pour obtenir des sièges comme 5% des suffrages exprimés par exemple.
  • Quorum naturel naturel: découpage en circonscriptions et nombre de sièges par circonscription.
    • Exemple: si il y a que 4 sièges à disposition dans une circonscription (comme dans Neuchâtel au Conseil national). Ceci représente un quorum naturel de 20%, puisqu’il y a peu de sièges. Dans un système proportionnel avec un quorum légal (directement inscrit dans la loi) et/ou naturel élevé on se rapproche de la logique d’un système majoritaire ce qui veut dire qu’on favorise les grands partis.

Système électoral en Suisse

Conseil national
  • Système proportionnel dans les cantons avec plus d’un siège.
    • Favorise la fragmentation du système de partis, en particulier dans les grands cantons (dans les petits cantons, les grands partis sont favorisés par le quorum naturel)
  • Système majoritaire dans les petits cantons avec un seul siège.
    • Favorise les partis forts localement et/ou capables de faire alliance.
Conseil des États.
  • Système majoritaire à deux tours dans la plupart des cantons, système proportionnel dans deux cantons (NE, JU).
    • Favorise les partis forts localement et/ou capables de faire alliance.
    • Même si on avait un système proportionnel dans plus de cantons le quorum naturel causerait une logique majoritaire (il n’y a que 2 ou même 1 siège.s par canton.).

Composition

La composition du conseil des états est différente de celle du conseil national. Il y a deux partis historiques: Le PLR et le Centre.

C’est la conséquence du système électoral, la différence de composition partisane entre les deux chambres. Il y a des partis sous-représentés dans le conseil des états par rapport au conseil national comme l’udc et viceversa.

Ceci cause:

  • Une sous-représentation de l’udc au conseil des états:
    • L’udc a un profil marqué sur la modernisation sociétale, l’immigration, etc. Ceci est un avantage dans les élections proportionnelles, où elle doit juste mobiliser le plus possible. Mais dans une élection majoritaire tu dois chercher des voix en dehors de ton camp pour gagner une majorité. Elle ne peut pas s’allier à cause de son profile et ne peut pas ratisser large.
  • Surreprésentation du PDC et du PLR au Conseil des états, deux partis de la droite modérée qui sont historiquement assez forts dans les petits cantons catholiques; ceci est l’inverse à l’UDC qui est avantagé dans le système proportionnel mais pas dans le majoritaire.
  • Fonction législative du Parlement:
    • Différences du composition différences de préférences pas toujours facile pour les deux chambres de se mettre d’accord sur un même texte législatif. Le système suisse de navette (aller-retour de la loi entre les deux chambres) aide au chambres à converger et les oblige à se mettre d’accord d’une manière ou l’autre.

Clivages politiques

Tel que dans Séance 5-Les clivages.

Trois composantes

  • Structurelle-empirique: division sociale ou culturelle (langue, religion, classe sociale, etc.).
  • Culturelle-normative: représentations et valeurs communes au groupe et distinctes de celles des autres groupes.
  • Politique-organisationnelle: parti ou autre organisation qui “articule” le clivage.

Fluctuation des clivages

  • Clivages traditionnels… (Lipset et Rokkan 1967):
    • Religieux, linguistique, de classe, ville-campagne.
  • … et nouveaux clivages:
    • Matérialiste vs post-matérialiste (Inglehart 1977 – “révolution silencieuse”).
    • Clivage de globalisation (Kriesi et al. 2008, Hug et Sciarini 2002).
  • Nombreux clivages → nombreux partis.
  • Clivage linguistique suisse? Il y a des différences mais non, par exemple il n’y a pas (sauf la Lega) des partis seulement pour une région linguistique.

Clivage de globalisation

  • Normative:
    • Ouverture/modernisation vs fermeture/défense des traditions (ou intégration vs démarcation ou universaliste vs communautaire).
  • Composante structurelle:
    • Niveau de formation, catégories socio-professionnelles, lieu d’habitat (“gagnants-perdants”).
  • Composante politique-organisationnelle:
    • Clivage articulé par la gauche (PS/Verts) vs UDC.

Clivages politiques

Synthèse de la séance

Contexte institutionnel et politique

  • Démocratie directe, fédéralisme, système électoral:
    • Influencent fortement les élections fédérales, du côté des partis et du côté des électeurs/trices.
  • Gouvernement de concordance (composition stable):
    • Réduit l’importance des élections parlementaires.

Système de partis

  • Fédéralisme, système proportionnel, nombreux clivages:
    • Système de partis “fragmenté” (nombre élevé de partis).
  • Transformation des rapports de force:
    • Montée en puissance de l’UDC, vague verte en 2019, reflux en 2023.
    • Déclin des deux partis “historiques” de la droite modérée.
    • Recul (par vagues) du PS.
  • Transformation des lignes de conflit sous-jacentes:
    • Affirmation du clivage de globalisation.
    • Importance croissante du “vote d’enjeu”: immigration/asile; climat.
    • Polarisation.

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