Libéralisme
Cas hypothétique
Prenons le cas de deux ouvriers sur un chantier. L’un est fort et résistant, et peut monter quatre murs en un jour sans sourciller. L’autre est faible et malingre et n’est pas capable de porter plus de deux parpaings en même temps. Il a beau travailler très dur, il lui faut bien une semaine pour abattre la besogne que son collègue plus robuste accomplit, sans trop se forcer, en un jour.
Est-il juste de mieux payer l’ouvrier fort et résistant? L’ouvrier fort et résistant a-t-il fait quelque chose pour mériter les talents qui lui sont propres?
Cas réel
Justice
Une société juste donne à chacun ce qui lui es dû.
L’idée de justice
Selon John Rawls, la justice est la première vertu des institutions sociales comme la vérité est celle des systèmes de pensée. Les institutions publiques et politiques publiques doivent être justes.
L’idée de société
- Conception de la société comme un système de coopération mutuellement bénéfique.
- Une société bien ordonnée.
- Une société régie par une conception publique de la justice.
- Chacun accepte et sait que les autres acceptent également les mêmes principes de justice.
- Les institutions sociales respectent et sont reconnues pour respecter ces principes.
Comment réfléchir aux principes qui devraient régir une société juste?
Imaginez que nous nous réunissions, tels que nous sommes, pour déterminer les principes d’après lesquels gouverner notre vie collective - pour rédiger, autrement dit, un contrat social. Quels principes choisirions- nous? Nous aurions probablement du mal à nous entendre. Les gens, étant différents, privilégieront des principes distincts, correspondant aux divers intérêts, croyances morales et religieuses qui sont les leurs, ainsi qu’à leur position sociale. Certains sont riches, d’autres sont pauvres; certains ont du pouvoir et des réseaux, d’autres nettement moins; certains appartiennent à des minorités ethniques ou religieuses, d’autres non. Nous pourrions parvenir à un compromis. Mais même ce compromis refléterait probablement le pouvoir de négociation supérieur de certains. Il n’y a pas de raison de croire que nous parviendrions de cette façon à un contrat social juste.
Maintenant, faisons une expérience de pensée: imaginons que, lorsque nous nous réunissons pour déterminer ces principes, nous ne sachions pas quelle sera notre position dans la société. Mettons que nous effectuons ces choix placés sous un «voile d’ignorance» qui, temporairement, nous empêche de savoir quoi que ce soit de particulier nous concernant. Nous ne savons pas à quelle classe ou à quel genre ou ethnie nous appartenons, quelles sont nos opinions et convictions religieuses. Nous ne savons pas non plus quels sont nos avantages ou désavantages – sommes-nous bien portants ou frêles, fortement dotés en diplômes ou sans qualifications, nés dans une famille capable de nous soutenir financièrement ou non? Si aucun d’entre nous ne peut répondre à ces questions, on peut dire en effet que nous choisirons à partir d’une position originelle d’égalité. Personne ne disposant d’une force de négociation supérieure, les principes auxquels nous consentirons seront justes.
Le choix des principes de la justice
Ce sont ceux vers lesquels des individus rationnels, autonomes et motivés par leurs propres intérêts convergeraient dans un contexte spécifique de prise de décision:
- Avec une position originelle et voile d’ignorance, un point de vue morale impartial.
- Pas d’accès aux informations qui pourraient dévier nos évaluations, comme la classe sociale, fortune, talents, etc.
Les principes de la justice
- Chaque personne doit avoir accès au système le plus étendu de libertés de base égales pour tous qui soit compatible avec le système pour les autres.
- Chaque personne doit avoir accès égale à tous les biens sociaux primaires. Si un redistribution inégale est nécessaire elle sera accordée, a moins qu’une répartition inégale de l’un ou de tous ces biens ne soit:
- Attaché à des positions et à des fonctions ouvertes à tous.
- A l’avantage des moins favorisés (principe de différence).
Les biens sociaux sont:
- Les droits et libertés fondamentaux: la liberté de mouvement et le libre choix entre les professions
- Les pouvoirs de la fonction publique et les postes de responsabilité.
- Le revenu et la richesse.
- Les fondements sociaux du respect de soi et la reconnaissance par les institutions sociales qui donne aux citoyens un sentiment d’estime de soi et la confiance nécessaire pour réaliser leur projets.
Rawls soutient que les principes de justice s’appliquent principalement à la “structure de base” de la société, qui comprend les principales institutions sociales (comme le système juridique, l’économie) qui déterminent les droits, les devoirs et les perspectives de vie des individus. Ces institutions sont responsables de la distribution des droits fondamentaux, des ressources et des opportunités, et Rawls estime qu’elles doivent être organisées conformément aux deux principes de justice. Cette approche garantit que le cadre guidant la société est structuré de manière à avoir un impact équitable sur tous les membres et à promouvoir la justice comme équité.
Pourquoi pas l’utilitarisme?
Nous ne choisirions pas l’utilitarisme. Placé sous le voile d’ignorance, chacun de nous penserait: ” Pour autant que je sache, je pourrais tout à fait me retrouver membre d’une minorité opprimée.”.
Pour Rawls, nous ne choisirions pas l’utilitarisme. Nous ignorons la position que nous allons trouver une fois le voile d’ignorance levé, mais nous sommes d’ores et déjà certains que nous voudrons poursuivre nos propres fins et être traités avec respect. N’excluant pas d’être membres d’une minorité ethnique ou religieuse, nous ferons le nécessaire pour qu’aucun groupe minoritaire ne soit opprimé, quand bien même cette oppression pourrait être source de satisfactions pour la majorité. Quand se lève le voile d’ignorance et que la vraie vie commence, nous ne voulons pas nous découvrir victimes de persécutions religieuses ou de discriminations raciales. Pour prévenir de tels dangers, nous rejetterions donc l’utilitarisme et nous nous accorderions à établir, pour tous les citoyens, un principe d’égalité des libertés fondamentales, y compris le droit à la liberté de conscience et de pensée. Et nous soulignerions la priorité de ce principe sur toute politique visant la maximisation du bien-être général. Nous ne sacrifierions pas nos libertés ou nos droits fondamentaux en échange d’avantages sociaux et économique.
Pourquoi pas le libertarianisme?
Nous ne choisirions pas davantage un pur laissez-faire, un principe libertarien qui donnerait aux gens le droit de conserver toute la richesse qu’ils produisent dans le cadre d’une économie de marché. «Une fois le voile d’ignorance levé, je pourrais certes découvrir que je suis Bill Gates» se dirait chacun, «mais je pourrais aussi être un sans-abri. Je ferais donc mieux d’éviter un système qui me laisserait privé de tout, et sans secours».
Et l’égalitarisme?
À quel principe aurions-nous recours pour réguler les inégalités sociales et économiques? Pour prévenir le risque de nous retrouver écrasés par la pauvreté, nous pourrions être tentés, en premier lieu, de privilégier une répartition égale des revenus et de la richesse. Dans un deuxième temps, cependant, nous pourrions en venir à penser qu’il serait peut-être possible de faire mieux, même pour ceux qui se trouvent au plus bas de l’échelle sociale. Supposez qu’en autorisant certaines inégalités, par exemple de salaires au bénéfice des médecins ou des chauffeurs de bus, nous puissions améliorer la situation des moins bien lotis - en rendant par exemple plus aisé l’accès au système de santé. Permettre ce genre de choses, c’est adopter ce que Rawls appelle «le principe de différence»: ne sont autorisées que les inégalités sociales et économiques qui bénéficient aux membres les plus défavorisés de la société.
L’égalitarisme de Rawls
Le principe de différence marque, en réalité, la volonté commune de considérer la répartition des talents naturels comme un bien commun et de partager les bénéfices résultant de cette répartition, quelle que soit la forme prise par cette dernière. Ceux qui ont été favorisés par la nature, quels qu’ils soient, peuvent tirer avantage de leur chance à condition seulement que cela améliore la situation des moins bien lotis. Ceux qui sont avantagés par la nature ne doivent pas en profiter simplement parce qu’ils sont plus doués, mais seulement pour couvrir les frais de formation et d’éducation et pour utiliser leurs dispositions de façon à aider aussi les plus désavantagés. Personne ne mérite ses capacités naturelles supérieures ni un point de départ plus favorable dans la société. Mais il ne s’ensuit pas qu’il faille éliminer ces distinctions. Il existe une autre manière de les appréhender. La structure de base de la société peut être aménagée de sorte que ces éléments contingents agissent pour le bien des moins fortunés.
Incitations
Objection a l’égalitarisme
Pour Rawls, les personnes douées de talents ne peuvent tirer profit de ceux-ci que dans la mesure où cela bénéficie aux moins favorisés. Mais que faire si ces personnes décident de travailler moins ou même, d’emblée, de ne pas développer les dispositions qui sont les leurs? Si les impôts sont très élevés pour les tranches de revenus les plus hautes ou si les différences de salaire sont limitées, ne courons-nous pas le risque de voir des personnes talentueuses, qui auraient pu, mettons, devenir chirurgiens, se tourner vers des activités moins exigeantes.
Solution
Dans sa réponse, Rawls fait valoir que le principe de différence autorise les inégalités de revenus pour tenir compte de ces facteurs incitatifs, pour autant que ceux-ci soient utiles à l’amélioration du sort des moins favorisés. Offrir aux P.-D.G. des rémunérations plus élevées ou réduire les impôts des plus riches à seule fin d’augmenter le produit intérieur brut serait insuffisant. En revanche, si les facteurs incitatifs ont pour effet de renforcer la croissance économique et, de ce fait, d’améliorer - mieux que ne saurait le faire une perspective plus égalitaire – la situation des plus démunis, alors le principe de différence les autorise.
L’effort
Qu’en est-il de l’effort? Rawls rejette la théorie méritocratique de la justice en arguant que les gens ne doivent pas à leur propre mérite de posséder des talents naturels. Mais qu’en est-il alors de tout le travail fourni pour développer ces talents? Il a fallu à Bill Gates beaucoup d’efforts et de temps pour développer Microsoft. … Nonobstant leurs talents et leurs dons, ne méritent-ils pas de jouir du fruit de ce dur labeur?
Rawls répond à cela que même la disposition à faire des forts peut dépendre de circonstances familiales favorables. “Même la disposition à faire un effort, à essayer d’être méritant, au sens ordinaire, est dépendante de circonstances familiales et sociales heureuses.” Au même titre que les autres facteurs intervenant dans le succès que nous pouvons rencontrer, l’effort est tributaire de contingences que nous ne pouvons nullement porter à notre crédit. “Il semble clair que l’effort qu’un individu est désireux de faire est influencé par capacités et ses talents naturels ainsi que par les possibilités qui s’ouvrent à lui. Les mieux doués ont plus de chance, toutes choses égales par ailleurs, de faire un effort consciencieux”.
La justice comme Équité
Position originelle et voile d’ignorance
Position Originelle et Voile d’Ignorance : Rawls introduit une expérience de pensée appelée la “position originelle”, où les individus choisissent des principes de justice derrière un “voile d’ignorance”. Ce voile les empêche de connaître leur statut social, leur richesse, leurs capacités ou leurs caractéristiques personnelles, garantissant que les principes choisis soient équitables et impartiaux.
Deux principes de justice
Rawls propose deux principes principaux. Le premier est que chacun doit avoir les mêmes libertés fondamentales (comme la liberté d’expression et le droit de vote). Le second principe concerne les inégalités sociales et économiques, affirmant qu’elles doivent être arrangées de manière à bénéficier aux plus désavantagés (le “principe de différence”) et être liées à des positions accessibles à tous, sous des conditions d’égalité équitable des chances.
Égalité équitable des chances
Rawls souligne qu’au-delà de l’égalité formelle (égalité devant la loi), il devrait y avoir une égalité substantielle des chances. Cela signifie que les individus ayant les mêmes talents et ambitions devraient avoir des chances de vie similaires, quel que soit leur milieu socio-économique.
Structure de base de la société
Rawls soutient que les principes de justice s’appliquent principalement à la “structure de base” de la société, qui comprend les principales institutions sociales (telles que le système juridique, l’économie) qui déterminent les droits, les devoirs et les perspectives de vie des individus.