Renouvellement de l’internationalisme
Introduction
- Les tendances:
- Reprise des activités des associations internationalistes d’avant-guerre (BIP, UIP, CR, internationalisme technique et dans le domaine de la communication, mouvements pour les droits de la femme).
- Renouveau de l’internationalisme dans l’entre-deux-guerres:
- Les associations pour la SdN – parlamentarisation de la politique étrangère?
- L’expansion de l’action humanitaire en temps de paix.
- Le mouvement européen – volonté de régionalisation et nouvelles idées pour organiser la vie européenne.
- Montée des dictatures et mobilisations pour les droits de l’homme.
Genève, centre de l’internationalisme dans l’entre-deux-guerres
- Société des nations – concentration de toutes les tendances de l’internationalisme.
- Cour internationale de Justice – centre de l’internationalisme juridique (La Haye).
- Organisations spécialisées de la SdN (toutes à Genève) :
- Organisation d’hygiène.
- Organisation économique et financière.
- OIT – réunit états, syndicats, associations d’employeurs, centre de l’internationalisme socio-économique.
- Haut Commissariat pour les refugiés.
- Commission des mandats.
- Commission internationale de coopération intellectuelle (1922-, SdN : Henri Bergson, Marie Curie, Gilbert Murray, Albert Einstein).
→ Attraction de la SDN: Prolifération des ONG à Genève.
ONG établies/transférées à Genève dans l’entre-deux-guerres
Naissance de l’esprit de Genève
Genève devient :
- Centre de recherche, de collecte d’information et d’analyse de la vie internationale, lieu de rencontre, de la formation de réseaux d’experts
- Centre de diffusion des informations (démocratisation de l’information), au moins dans les langues officielles de la SdN
- Centre de la coopération :
- politico-sécuritaire,
- économique,
- humanitaire,
- intellectuelle,
- éducative,
- technique
- Centre du lobbying pour la paix, le désarmement, l’hygiène, contre la traite des femmes etc.
- Lieu où se construit la première ville internationale, Palais des nations, OIT.
Les associations pour la SDN
Associations pour la SdN :
- League of Nations Society (GB, mai 1915); League of Free Nations Association (1918) > League of Nations Union (GB).
- League to Enforce Peace (USA, juin 1915).
- Association française pour la SdN (novembre 1918).
- Suisse, Belgique, Pays-Bas, Hongrie, Allemagne (Dt. Liga für Völkerbund).
- Fusion dans l’Union internationale des associations pour la SdN.
Fonctions, tendances
- Auxiliaires de l’idée de la SdN.
- Conseil aux gouvernements, mais aussi arme de propagande à l’interne et à l’externe.
- Contribuent à la sociabilité genevoise, organisent des réunions informelles, événements culturels.
Revendications des associations progressistes
- Démocratisation de la politique étrangère, diplomatie publique (transparente).
- Désarmement.
- Apaisement (Appeasement) - face aux dictatures, l’apaisement est une stratégie illusoire.
Mais
- Mais il y avait aussi des associations pro-SDN sous influence des régimes autoritaires et dictatures.
- Hongrie (à partir des années 1920), Allemagne nazie (à partir de 1933/34, interdite après quitter la SDN).
- Pour plus voir Jean-Michel Guieu, in: Relations internationales 151 (2012).
Expansion et concurrence humanitaire
L’entrée en scène des USA et la politisation de l’action humanitaire
Ligue des CR vs. CICR
- Contexte après la Grande Guerre :
- Entrée en action des USA en tant que puissance mondiale espoir qu’il n’y aura plus de guerre.
- Considération qu’une organisation humanitaire pour le secours aux militaires blessés ne serait plus nécessaire, elle a contribué à la militarisation des sociétés; il fallait donc réorienter le mouvement de la CR menace bolchévique plane sur l’Europe.
- David Henderson (CR américaine) :
- Programme pour l’action humanitaire en temps de paix.
- Recherche et action humanitaire, hygiène, santé public, protection de l’enfance, maladies tropicales.
- Fondation de la Ligue des associations de la CR en tant que moyen de propagande (alliée) et d’entraide en temps de paix.
- Source de conflits entre CICR et David Henderson (chef de la CR américaine et de la Ligue).
- Enjeux :
- Orientation pacifique ou militaire du mouvement de la CR.
- La concurrence humanitaire : qui récolte les fonds, qui s’investit dans l’action humanitaire, qui domine le champ, les alliés ou la Suisse/le CICR neutre?
- Le CICR n’a plus rien à faire après la guerre. Donc il se transforme en un acteur humanitaire en temps de paix.
- USA fondent l’American Relief Administration (ARA) comme instrument d’influence suite à la PGM (1919/20).
- ARA devient l’acteur humanitaire le plus important en Europe dans les années 1920 et l’entre-deux-guerres (en termes de fonds).
- Herbert C. Hoover devient son premier directeur (>président américain du 4 mars 1929 au 4 mars 1933).
- Politisation de l’humanitaire: outil dans la lutte contre le communisme/bolchévisme.
L’Union internationale de secours aux enfants et le CICR
- 1919 : Fondation, par Egglantyne Jebb, de Save the Children (GB), pour sauver les enfants affamés de l’Europe de l’Est et de l’Europe centrale.
- Elle appelle au CICR pour l’exécution des missions en faveur de Save the Children.
- 1920 : Fondation de l’Union internationale de secours aux enfants par Save the Children et le CICR.
- CICR chapeaute UISE, lui offre sa crédibilité et exécute ses missions.
- UISE et comités nationaux mobilisent les fonds et les répartissent.
- CICR réussit à se transformer en acteur humanitaire en temps de paix, entre donc en concurrence directe avec la Ligue des associations de la CR (de David Henderson).
- Acteurs du côté du CICR :
- Frédéric Ferrière, initiateur de l’aide en faveur des civils internés et des civils dans des zones d’occupation, y compris les enfants. Initiateur, avec Renée-Marguerite Cramer, et Edouard Frick, de la coopération entre le CICR et Save the Children.
- Objectifs du CICR :
- Maintenir son autorité et son rôle central dans l’humanitaire d’après-guerre.
- Innover les stratégies pour le fund-raising.
Secours aux réfugiés
- Etablissement, par la SdN, du Haut Commissariat pour les réfugiés (d’abord russes, puis simplement réfugiés; à partir de 1930 Bureau Nansen après le premier haut-commissaire Fridtjof Nansen nommé par la SDN).
- Coopération entre le CICR, l’ARA et un réseau d’ONG tissé par Nansen autour de la SdN.
- Réfugiés russes (1918-1922) à cause de la Guerre civile.
- Refugiés arméniens et grecs (1920-1923) à cause de la persécution et de la guerre gréco-turque.
- Réfugiés assyriens (1927/28) en Irak.
- Réfugiés espagnols (1936-1939).
- Réfugiés allemands (1933-1945).
Nouvelles initiatives et actions du CICR dans l’entre-deux-guerres
- Mobilise communauté internationale pour :
- L’interdiction de l’utilisation du gaz asphyxiant dans la guerre (Convention contre le gaz asphyxiant 1925), entrée en vigueur.
- Le Code des prisonniers de guerre (1929), entrée en vigueur.
- Le projet de Tokyo pour la protection des civils, échec lors de la conférence de la CR à Tokyo 1934.
- Action humanitaire du CICR pendant la Guerre civile espagnole (1936-1939).
- Début de l’action humanitaire du CICR en Afrique:
- Secours aux Éthiopiens prioritairement pendant le guerre d’Éthiopie, mais refus du CICR de témoigner de l’utilisation du gas par l’Italie.
Le mouvement européen
- Dans l’entre-deux-guerres l’idée européenne est (ré-)mobilisée comme chemin alternatif à la paix.
- Ex: Giovanni Agnelli (1919): Fédération européenne ou organisation universelle? Prolifération des associations pro-européennes suite à l’occupation de la Ruhr (1923) et la crise gréco-italienne (1923) symbolisant des affrontements nationaux violents encourageant l’hostilité.
- Ex. clé: Comte Richard Coudenhove-Kalerghi , fondateur de l’association Union paneuropéenne.
- Monographie Paneuropa (1922).
- Europe fédérale et démocratique, union douanière.
- Dépasser l’antagonisme franco-allemand.
- Contrer le bolchévisme.
- Prévenir la course aux armements couteuse aux sociétés.
- Exemple américain (économies d’échelle).
- Stabiliser les relations intra-européennes.
- Désemparer les conflits inter-impériaux.
- Suite à la parution du livre, Union paneuropéenne, Vienne, bureau auprès du chancelier autrichien Ignatz Seipel, Revue Paneuropa (1923ss.)
- RCK organise grands congrès 1926, 1928.
- Aristide Briand président d’honneur, présente plan Briand en 1929/30, échec.
- Bien que conservateur, RCK prend sa distance face à la montée du national socialisme, fuit l’Autriche après l’annexion par l’Allemagne.
- Ex.: Association pour l’entente européenne (Wilhelm Heile & Émile Borel).
- Ex.: Cercle Mayrisch - Cercle franco-allemand-luxembourgeois (autour d’Émile Mayrisch et son épouse, Luxembourg).
- Ex.: L’association Union douanière européenne (Yves Le Trocquer, Charles Gide, Joseph Caillaux, Edgar Stern-Rubarth, Norman Angell).
- Ex.: Conférence économique d’Europe centrale (Elémer Hantos, Hongrie).
- Ex.: Europäischer Kulturbund (Karl Anton Rohan, Autriche), dérive nationaliste.
- L‘idée européenne revient avec vigueur dans les groupes de résistance contre le Nazisme.
Mouvements pour les droits de l’homme
- Fondation, par Ludovic Trarieux, de la Ligue française pour les droits de l’homme suite à l’affaire Dreyfus en France (1898).
- Comités analogues créés dans les pays voisins.
- Tentatives de sauver des groupes persécutés par l’Allemagne nazie suite à l’arrivée au pouvoir de Hitler en 1933 et la production des réfugiés par le régime, par exemple :
- Action collective en faveur de Carl von Ossietzky (rédacteur en chef du Weltbühne, journal pacifiste, mis au prison par les Nazis).
- Sous l’impulsion des associations diverses, y compris Congrès juif mondial, organisation de la Conférence (intergouvernemental) d’Evian pour organiser l’accueil des réfugiés fuyant la dictature allemande, échec.
- Analogies avec la crise des réfugiés de 2015/16, sauf que la situation économique de nos jours est loin d’être comparable à la grande dépression des années 1930.
- CICR se saisit de la question des droits de l’homme dans les dictatures italiennes et allemandes.
- Délégués rendent visite aux camps de concentration en Allemagne nazie et dans des régions occupées (Thérésienstadt juste avant la DGM).
- Visites ne contribuent pourtant pas à l’éclaircissement de la situation, CICR se fait tromper par le régime nazie.
Conclusion
- Multiplication des ONG dans l’entre-deux-guerres.
- Élargissement des objectifs, approfondissement de l’implication dans la vie internationale et dans la politique étrangère (auxiliaire, propagande, conseil, action humanitaire).
- ONG deviennent des acteurs d’une diplomatie culturelle d’influence (soft power, USA, ARA, fondations philantropiques américaines).
- ONG touchent tous les problèmes créés, ou non-résolus, par les états: la détresse des enfants, épidémies, rapatriement des prisonniers de guerre, aide aux réfugiés (sous les auspices de la SdN), désorganisation de l’Europe, violations des droits de l’homme.
- SdN essaie de mobiliser et d’utiliser l’expertise de la société civile pour au mieux remplir ses fonctions dans le système internationale.
- Le système international basé sur la souveraineté absolue des Etats s’avère cependant incapable d’apaiser les tensions, maintenir la paix, incorporer les initiatives émanant de la société civile pleinement.
- Lors de la résistance européenne contre le Nazisme, la souveraineté étatique devient alors elle-même la cible d’attaque (vue comme la source du problème), beaucoup de groupes de la résistance demandent la construction d’une fédération européenne démocratique, le respect des droits de l’homme et de l’état de droit, la fusion des économies nationales.